Comment noyer le poison
APRES les poissons, les pêcheurs. « Le Canard » avait raconté à quel point le poisson du Rhône était farci aux PCB, ces substances chimiques qui vous dézinguent à long terme les neurones et sèment la pagaille dans votre système hormonal (« Conflit », 29/8/2007). La semaine dernière, c’est l’association écolo WWF qui a remis le couvert avec une étude montrant, analyses de sang à l’appui, que les pêcheurs eux aussi sont plombés aux PCB. Rappelons qu’il y a trois semaines les pouvoirs publics avaient cru bon de lever partiellement l’interdiction de pêcher dans le Rhône, prononcée un an plus tôt...
On tombe de sa chaise quand on découvre que, dès 1988, le Conseil supérieur d’hygiène publique de France avait conseillé d’y aller mollo sur les poissons du Rhône, compte tenu de leur taux de PCB. Avec, depuis neuf avis, notes ou expertises scientifiques de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) allant tous dans le même sens. Bref, il aura fallu attendre pas moins de dix-neuf ans pour qu’une interdiction de pêche totale soit prononcée dans le Rhône. Si, aujourd’hui, sandres, carpes ou barbeaux affichent jusque douze fois la limite en PCB fixée par l‘OMS, c’est peut-être parce que les usines qui retraitent les transformateurs au pyralène (interdit en 1987) ont gardé le droit de rejeter tranquillou des PCB dans l’eau. Mais il n y a pas que le Rhône. L’ONG Robin des Bois vient de recenser 360 sites pollués aux PCB en France. Et que dire de l’étude Calipso, sortie fin 2006 dans un silence assourdissant. Pendant trois ans, l’Afssa et l’lnra ont suivi 1000 adultes dégustant au moins deux fois par semaine poissons et produits de la mer. Résultat : 60% des plus gros consommateurs dépassent la dose journalière admissible en PCB. Vous reprendrez bien un peu de pois(s)on ?
Le Canard (04/06/2008)